nuages flottants , eau courante

Texte d’un moine Zen traduit par Akiko Murayama et Ollivier Coupille

Nuage flottant-Eau courante

[Kô-un-ryû-sui*]

Les nuages flottent tranquillement sans cependant jamais s’arrêter, l’eau non plus ne cesse de couler en murmurant et ne s’immobilise nulle part.

Cet état de « non-mental » (mu-shin*), cette absence de contrainte et cette liberté sont tenues en haute estime dans la pratique du zen et ces expressions font parties du langage de prédilection des disciples du zen.

Aujourd’hui encore les novices pratiquant le zen pour devenir moines sont toujours appelés « unsui » (nuage-eau). Au cours de leurs pèlerinages pour interroger les maîtres, en quête de véritables enseignements sur la pratique, ils voyagent comme les nuages qui flottent sereinement dans le grand ciel et se déplacent comme l’eau qui coule sans arrêt.

C’est la raison pour laquelle, on les a nommés ainsi.

Les « nuages flottants » et l’ »eau qui coule » sont des phénomènes naturels.Les nuages qui vont par le ciel, l’eau qui coule dans la rivière ne restent pas un moment dans le même état. Les nuages changent de forme d’instant en instant, ils surgissent et s’évanouissent, puis réapparaissent plus tard.

De même l’eau prend de multiples formes et change sans cesse d’aspect. On peut donc entendre l’expression : « nuage flottant et eau courante » comme désignant également le monde de l’impermanence.

Cette image telle-quelle pourrait représenter notre vie.

Pour les nuages, il n’y a pas que des vents agréables, il y a aussi des vents violents qui les dispersent et les chassent. Dans le cours d’une rivière, il y a aussi des rapides dans les passages peu profonds, des méandres et des endroits où le courant ralentit et où les eaux sont parfois dormantes, selon la profondeur du lit. Le cours de la rivière n’est jamais uniforme.

Tout au long de notre vie, il en va de même. Nous ne rencontrons pas que des circonstances favorables. Il y a des obstacles sur notre chemin et nous vivons dans la succession des émotions de toutes sortes, telles que la joie, la colère ou la tristesse qui surgissent sans répit.

Cependant, si nous vivons avec un coeur-esprit simple (mu-shin), sereinement, comme un nuage, sans nous attacher à tout cela et en acceptant tout ce que nous rencontrons au cours de notre vie, alors à ce moment là, l’expression « nuage flottant-eau courante » prendra tout son sens.

Voici une digression : si l’image d’un unsui en robe noire avec sandales de pailles et chapeau en bambou sur la tête se trouvait dans un paysage naturel, on pourrait avoir l’impression d’être en train de regarder une peinture de paysage quelconque.

Cependant, quel est donc l’état d’esprit de cet unsui dont il est question ici ?

En vérité, il y a longtemps, moi aussi j’ai été un unsui qui errait en mendiant sa nourriture partout et j’ai fait ainsi le pèlerinage par les quatre-vingt-huit lieux sacrés de l’île Shikoku.

J’avoue qu’alors je n’ai pas pu rester même un seul instant le coeur-esprit serein et tranquille.

Quand j’allais de porte en porte pour mendier, on m’a parfois reçu froidement et mis à la porte comme un importun. Le soir quand je ne trouvais pas de place où m’arrêter pour dormir, je me sentais extrêmement misérable. Le sentiment de solitude m’accablait.

Le pèlerinage ne se pratique pas seulement par beau temps. Les jours de pluie et de vent sont nombreux. Ainsi, lors d’un pèlerinage pendant un hiver rigoureux, alors que j’étais presque sur le point de sangloter sur les chemins enneigés, j’ai vraiment trouvé cela pénible. Cependant à l’inverse, beaucoup de gens m’ont accueillis avec générosité et une profonde gentillesse.

Aujourd’hui , chacun de ces moments vécus pendant cette période sont devenus des souvenirs agréables et éveillent en moi des sentiments nostalgiques. Tous sont à présent des trésors de ma vie.

En pensant maintenant à ce « nuage flottant-eau courante », je crois comprendre qu’il s’agit d’un coeur véritablement vaste, capable de se nourrir en acceptant toutes choses sans choisir ni discriminer, telles qu’il les rencontre dans cette vie où souffle le vent et tombe la pluie, où les tempêtes surgissent et où alternent la souffrance et la joie.

Notes :

* kô : aller – un : nuage – ryû : couler – sui : eau

C’est à dire : Aller (comme) les nuages, couler (comme) l’eau.

*Mu-shin : non mental, sans conception, sans idée préconçu, sans arrière pensée,

simplement, naturellement, coeur innocent….

Mu 􀻁 = rien, non, négation

Shin 􀧺 = coeur, coeur-esprit, pensée…

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